Revue n° 866 Janvier 2024 – p. 29-35
Chaque époque a ses rêves, ses ambitions, ses craintes et surtout ses mythes. On a connu dans les années 1970, celui du dépassement assuré des États-Unis par le Japon dont l’économie l’emporterait sur tous ses rivaux capitalistes ; dans les années 1990, ce fut celui du triomphe assuré des démocraties à l’avenir et par conséquent de la plus puissante d’entre elles. Aujourd’hui, c’est celui d’un déclin collectif des États-Unis et de ses alliés.
Parmi les déclinistes américains, on est même surpris de trouver l’ancien président américain Donald Trump. Le slogan du candidat aux élections présidentielles de 2016 « Make America great again » sonne certes comme la condamnation d’un passif, mais aussi comme le constat défaitiste d’une situation à redresser d’urgence, y compris par le protectionnisme. Aggravant la psychose, nombre de ses concitoyens se sont persuadés qu’en raison du « complexe de Thucydide » les risques de conflictualité entre leur pays et la puissance considérée comme montante, à savoir la Chine, devenaient inéluctables.
Et pourtant, tous les chiffres disponibles montrent que, depuis vingt ans, les États-Unis ne se sont pas affaiblis sur le plan économique au niveau mondial, mais se sont au contraire renforcés, y compris naturellement sur le plan militaire et technologique.
Plan de l’article
Le mythe du déclin occidental : un parti pris idéologique ?
Le choc politique de la crise de l’Ukraine aux Nations unies
Les ambiguïtés et limites du « Sud global »
Quelles réponses apporter pour déconstruire le narratif ?
La démocratie est pluraliste, non messianique
Le libéralisme économique sert autant le Sud que le Nord
Le système international actuel est-il injuste vis-à-vis du Sud ?
La réforme du Conseil de sécurité, condition d’un retour à un multilatéralisme efficace comme on le pense souvent en Europe ?